Pélerinage au Cap Ferret

Un petit constat lors d'une promenade
Nous partîmes tous deux de Lanton et par le prompt renfort de notre vaillant véhicule, nous arrivâmes sains et saufs sur le parking du Mirador. Un chat roux à la toison hivernale, méditait sur le bord d’une clôture.
Je l’abordais sans détour, sachant ne pouvoir résister au désir de le caresser.
– Tu en as de la chance d’être ici, à regarder cet espace immense battu par les vents et les embruns ! Tu dois remercier Dieu et le ciel d’être un chat à cheval sur le bassin et le grand large !
Il me regarda de ses yeux jaunes et je reçus sa pensée. 
- Certes ! Fit-il (me sachant à proximité d’Audenge) mais le Dieu que je prie est plutôt Bubastis et je suis chargé en haut lieu de transmettre ce que je vois…
Le priant de nous excuser, car nous avions à faire, nous le saluâmes d’une dernière caresse et nous nous en fûmes vers la pointe. Un panneau officiel interdisait depuis le mois de décembre 2015 l’accès à la plage. 
J’observais au large le jeu des lames qui se contrariaient. On aurait dit un maelstrom et je compris combien de courageux pêcheurs avaient dû périr près de ces passes.
Il me revint en mémoire un poème que j’avais écrit.

HOMMAGES…

Honneurs à vous, vieilles barques, tilloles légères
Chaloupes non pontées et pinasses d’un autre âge dont
Les courbes parfaites nous font imaginer, que par dame nature vous fûtes enfantées.
Honneurs à vous hardis marins qui franchissiez 
La “barre” de vos bateaux légers, sachant que sous
Les lames vous risquiez le trépas.
Combien ont disparu, sous les coups de boutoir
D’un océan sauvage qui ne se souciait guère des bouches orphelines.
Honneurs à vous, veuves des mers que la douleur
Égare, mais dont tous les enfants ont le désir de vivre.
Honneur à tous, car de vos sacrifices, il n’y eut point de
Plages que nous n’eussions aimées.

Malgré notre déconvenue d’être privé de cette liberté littorale, nous bifurquâmes par le sentier de l’abécédaire. Main dans la main, nous attaquâmes le chemin d’un bon pas. Une forêt galerie de mimosas en fleur répandait dans l’espace une fragrance divine. Il nous fallut marcher longtemps, mais la balade était somptueuse. Certes nous glissions de temps à autre sur des aiguilles de pins et nous nous rétablissions dans un fou-rire… A notre gauche les dunes côtières, mamelons vallonnés, abritaient sur leurs ventres des colonies végétales d’espèces endémiques. Une petite plante bleuâtre répandait en permanence une forte et indéfinissable odeur…
Nous arrivâmes au lieu-dit les Shadocks et nous vînmes une pompe de la société Vermilion qui semblait à l’arrêt. Là-aussi, interdiction d’accéder à la plage à cause des effondrements de falaises. Enfin, un chemin de sable autorisé nous amena, après bien des ahanements, car il était vraiment pénible à gravir, à l’océan dont la marée montait. Hormis quelques personnes, peu de monde, l’endroit semblait quasiment désert. Je constatais que la plage était propre, totalement dépourvue des immondices des tempêtes passées. Un frisson parcourut mon corps lorsque je constatais que l’eau arrivait presque aux dunes et que ces dernières effectivement semblaient tranchées au couteau. Certes, nous n’étions pas en un endroit où le flot arrivait au galop, mais inquiet, je conseillais à mon épouse de faire rapidement demi-tour.
Nous regagnâmes le véhicule qui nous avait patiemment attendu et nous filâmes vers Hortense, circuit obligé du retour. On ne pouvait pas passer devant le restaurant alors en travaux, aussi nous bifurquâmes par un chemin non goudronné. Aucun panneau ne nous en empêchait l’accès.
Une brèche énorme, d’une centaine de mètres, libérait de furieuses vagues dont l’amplitude s’étendait non loin d’une villa, plus en contrebas. Je constatais qu’en un an, la digue, submergée, n’existait plus malgré l’amoncellement de roches et de poteaux en béton. Je songeai alors à la catastrophe possible lors d’une grosse tempête. Le passage était déjà prêt.
Il était temps de rentrer…

François Veillon

 
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