En région Languedoc-Roussillon, il y a en moyenne un port tous les 7 km de côte ; ce chiffre tombe à 5 km en région PACA, et à 3 km si l’on considère le seul département des Alpes-Maritimes. Cette densité de ports est déjà considérable, déraisonnable. Or, la pression de la demande est énorme. En France, il y a près d’un million de bateaux de plaisance immatriculés, soit 5 fois plus que de places disponibles dans les ports. En outre, il y a presque autant de bateaux immatriculés en Allemagne, en Grande-Bretagne, etc. Quel plaisancier d’Europe du Nord ne rêve pas d’avoir un "anneau" sur la Côte d’Azur ? La demande est donc infinie, et je ne suis pas sûr qu’un port continu, de la Camargue à la frontière italienne, suffirait à l’assouvir !
L’impact d’un port sur les petits fonds ne se limite pas à son emprise. Un port constitue également une source de pollution, dont l’influence va bien au delà de la surface qu’il occupe. Les peintures anti-salissures des coques comportent des composés chimiques, certes moins toxiques qu’autrefois, qui diffusent dans l’eau. Les équipements des ports ou des bateaux ne permettent que rarement, en France, le transfert à terre des eaux usées. Celles-ci sont alors rejetées à la mer (normalement, en dehors des ports), et échappent au traitement dans des stations d’épuration. En été, la population qui vit et campe à bord des bateaux, dans les ports ou dans les mouillages forains, peut être considérable. Par analogie avec les villes flottantes de l’Asie du Sud-Est, on désigne sous le nom d’effet Singapour" la pollution induite par ces sortes de campings, flottant sur leurs eaux usées et déchets divers. Un exemple de paradoxe est fourni par la baie de Port-Cros ; certains jours d’été, il peut y avoir jusqu’à 250 bateaux au mouillage, avec en moyenne 4 personnes à bord, soit un millier de personnes : cela représente le triple de la population estivale du village, dont les eaux usées, elles, sont récupérées et traitées dans une station d’épuration très performante.
Le développement économique de la Provence et de la Côte d’Azur est fortement lié au tourisme littoral : baignade, nautisme, plongée sous-marine.
Les touristes ont besoin d’infrastructures (hôtels, campings, restaurants, discothèques, ports), mais ce n’est pas pour ces infrastructures qu’ils ont parcouru des centaines, parfois des milliers de kilomètres. La "trilogie SSS" (sea, sand and sun) reste nécessaire mais n’est plus suffisante. Les touristes recherchent également la qualité de l’eau, la qualité de l’environnement, la qualité des paysages, terrestres et sous-marins. Les plongeurs ne sont pas très attirés par des fonds de vase parsemés de bouteilles et de boîtes rouillées. Ils veulent voir des tombants coralligènes, des gorgones, des poissons variés, des couleurs.
Les temps ont changé. Les touristes, tout au moins ceux qui en ont les moyens, et ils sont de plus en plus nombreux, peuvent aller ailleurs, loin, très loin. Les régions qui n’ont pas compris, ou qui ont compris trop tard, qu’il y avait un seuil, dans les aménagements littoraux, à ne pas dépasser, commencent à le payer cher : la pente du déclin semble impossible à remonter ; c’est ce que l’on appelle, de façon imagée, la "spirale de la clochardisation".